Françoise Figus : A pas feutrés

Des maux aux mots

lundi 15 janvier 2024, par Lucie Saulle

C’est une chronique Nous avons lu un peu particulière que nous mettons en ligne aujourd’hui. Elle se termine par une adresse directe à l’auteure qui est un membre actif du groupe de Toulouse de l’APA. Cet émouvant témoignage sur des violences intrafamiliales et des atteintes sexuelles sur les enfants, hélas si fréquentes, mérite d’être largement partagé.

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Depuis maintenant quelques années nous connaissons Françoise. Elle s’est rapprochée du groupe APA de Toulouse après avoir réalisé un travail d’écriture pour éditer et faire connaître les souvenirs de son grand oncle disparu pendant la Grande guerre. (Journal, carnets et correspondances de Lucien Murat, APA 2941.00).

Sa fréquentation de notre groupe me fut tout de suite très sympathique. Je ne fus pas étonnée d’apprendre qu’elle écrivait sur son enfance et adolescence, sur sa vie, dans le but de faire un dépôt à l’APA. Aussi dès qu’elle nous a proposé son livre, je me suis plongée dans sa lecture.

Ce sont des souvenirs, dont la teneur m’émeut profondément. Je lisais, relisais, y pensais en boucle. Comment la gentille, douce, précieuse, élégante Françoise avait-elle pu surmonter cette souffrance ?

Ce sont des mots (elle dit des pas) feutrés certes car dits sans violence, sans véhémence et cependant ce sont des mots assassins, terribles, rejetés six ans durant. Une durée énorme. Dès ce premier jeudi de ses six ans son enfance fut fracassée, devenue un espace de douleur, de larmes, de peurs. La confiance perdue, celle pour son père irrémédiablement, irréparable.

Vivre ceci dans le secret, le mensonge, sans aide ou secours d’aucune sorte surtout pas celui de sa mère. Une petite fille avec, enfermé dans son cœur, son corps cette boule d’angoisse. Peut-on imaginer pire ? Cependant c’est ce qui lui est arrivé, ce qui arrive à d’autres enfants abusés. Les mots sont trop faibles, tous, tous les mots. Même ceux de la justice quand elle se décide, enfin à écouter, entendre la douleur. Rien ne peut faire que ce mal n’est pas eu lieu. Il a été, il est, à jamais celui d’une enfance détruite. Pourtant il faut, on doit, les dire pour arrêter, se libérer du silence mortifère. Les prononcer, les énoncer, risquer de n’être pas cru. Un courage énorme ! Mûri le long des décennies, nécessaire, pour les poser sur la feuille blanche de sa conscience, dans la pureté de la révélation de sa propre vie.

Françoise pose ses propres mots, avec la délicatesse d’une fée, celle d’une petite fille rêveuse, sensible. On aimerait tant aller remplir le pot à lait chez la crémière, grignoter les croutons du pain frais, traverser Paris pour aller au cours de danse, mais surtout supprimer tous les jeudis où « Habilles toi, on va chez ma mère… ». – Ainsi rituel après rituel…il me trainait dévastée, chez ses parents. »

Merci Françoise pour ton immense courage, répété, lui aussi tous les jours jusqu’à ton beau témoignage. A « ce dire » feutré, mais vrai, net. J’espère aussi porteur de liberté intérieure, de paix pour ta vie d’aujourd’hui. Avec l’amitié, l’admiration, que je te porte, que je suis bien impuissante à te dire.

La vie est un combat, tu nous as livré le tien, à nous de l’entendre, de le soutenir pour toutes les autres petites filles ou garçons, pour l’avenir, sans aucune PRESCRIPTION possibles.

A commander sur le site des éditions Le Lys bleu