Marcel Proust : La fabrique de l’Oeuvre

jeudi 22 décembre 2022, par Sylvie Desrues

exposition BnF jusqu’au 22 janvier 2023

Marcel Proust, je vous aime ! Oui, c’est ainsi, j’assume ce côté midinette, n’étant pas spécialiste du grand écrivain.

Dans mon métier (je suis correctrice relectrice), je lis et corrige sur écran, avec un logiciel de traitement de texte. Austérité de la forme, quelle que soit la police employée. Une écriture manuscrite c’est autre chose. Volutes, points, finesse ou épaisseur, jambages, orientation, tout est prétexte à émerveillements. C’est à l’occasion de l’exposition La fabrique de l’œuvre à la BNF de Paris, que j’ai découvert « en vrai » (comme disent les enfants), l’écriture de Marcel Proust !

Expo-événement par le volume des archives présentées, et leur rareté pour certaines. C’est une promenade tout au long des sept tomes de À la recherche du temps perdu. Dès l’entrée, je me suis sentie transportée, en apesanteur dans cette ambiance feutrée.

Un cheminement au cœur de l’intimité de l’écrivain, ses lieux de vie, de villégiature ; photos, objets (une lanterne magique, son écritoire, l’encrier), musiques et chansons de l’époque ; même la voix de Céleste Albaret, sa fidèle servante, archiviste et confidente. Émouvante l’une de ses recherches documentaires : les cris des métiers de Paris demandés à son concierge qui les releva précisément et que Proust intégrera dans le roman.

Le titre « À la recherche du temps perdu » aurait pu être « Les intermittences du cœur… » Le premier tome « Du côté de chez Swann » ? Proust a biffé : Le temps perdu/Charles Swann. Et l’incipit, maintes fois corrigé, biffé, avant de devenir le si célèbre et adoré : « Longtemps je me suis couché de bonne heure… ». « Longtemps » ouvre le roman, « le temps » referme cette vertigineuse création, cercle infini…

Époustouflant et titanesque processus de création : découpes des scènes, collages, véritable patchwork, alors que Proust est le plus souvent alité à cause de son asthme. Objet visuel incroyable, avec les ajouts de « paperoles », de longs et fins rubans de papiers (parfois 1,60 m de hauteur) !

J’ai découvert À la recherche du temps perdu, lors du confinement et j’en ai lu des parties à voix haute. Cette petite musique entêtante m’a bercée, m’a fait voyager, rêver, ressentir, rire, pleurer comme aucun autre roman à ce jour.

J’aime l’idée de prendre mon temps pour m’y replonger. Comme pour une maison de vacances, j’y reviens, je l’occupe puis je referme la porte.

Dans son célèbre questionnaire, à la question « occupation préférée ? Marcel Proust a répondu : aimer ! Et pour vous… ?