Nos Écoles
« Nos écoles »
Le sujet choisi pour les Journées 2022 parlait directement au cœur de chacun et chacune : nous avons toutes et tous passé par les bancs de l’école et beaucoup parmi nous sont ou ont été dans l’enseignement.
Comme l’a souligné Gérald Cahen, modérateur de la table ronde de samedi sur L’école dans l’autobiographie, l’école est pour l’enfant « la porte d’entrée dans la société » qui le marquera sa vie durant, probablement davantage par l’apprentissage social avec les camarades et les professeurs que par les contenus de l’enseignement.
Après deux exposés passionnants de nature historique, celui de Pierre Caspard sur le rôle des précepteurs privés et celui de Marlène Kayen sur un choix de documents déposés au DTA (Deutsches TagebuchArchiv), Chantal Cambronne a présenté dans un vibrant exposé le bilan positif et négatif qu’elle tire des 50 ans passés à l’école, comme élève et étudiante d’abord, puis comme enseignante confrontée au chahut dans ses classes. En l’absence de Pierre Kobel, Bernard Massip a présenté en son nom les textes déposés sur le blog « Grains de sel » entre le 1er mai et le 15 juin 2022 : le nombre de ces textes (68 rédigés par 32 auteurs, 20 femmes et 12 hommes) atteste combien le public se sent concerné par ce sujet. La discussion qui a suivi l’a prouvé également, autant du côté des anciens élèves que des anciens enseignants !
La table ronde de dimanche a permis d’aborder l’autre versant du thème, L’autobiographie dans l’école. Sous la houlette haute en couleurs d’Anne Poiré-Guallino, qui remplaçait Claudine Krishnan empêchée, trois spécialistes ont traité ce sujet sous différents angles. Vittoria Sofia a présenté l’Université libre de l’autobiographie (Libera Universita dell Aubiografia, LUA) qui se trouve à Anghiari près d’Arezzo (Italie) et collabore étroitement avec la Fondation Archivio Diaristico Nazionale (rappelons que cette Fondation a été créée plusieurs années avant l’APA et a contribué à la réflexion qui a donné naissance à notre association).
Anne Dizerbo a parlé des usages et fonctions de l’autobiographie en cours de scolarité et de formation, tandis qu’Éric Nedelec a expliqué combien le récit autobiographique peut être un soutien pour les personnes concernées par l’illettrisme et en particulier les populations carcérales auprès desquelles il est très engagé. Quant à Anne Poiré-Guallino, elle a présenté avec enthousiasme les travaux (écrits et dessins) réalisés par ses élèves pendant le confinement.
Le temps qu'il fait
Peut-on tenir un journal du ciel ?
Non pas une météorologie prédictive et utilitaire, mais simplement contemplative, attentive, jouissive ? On se souvient, chez Proust, du père du narrateur trouvant idiot Bloch, l’ami de son fils qui se prétend indifférent au temps qu’il fait : « comment ! Il ne peut même pas me dire le temps qu’il fait ! Mais il n’y a rien de plus intéressant ! C’est un imbécile ».
Oui, on peut tenir un journal du ciel, par précaution, certes, mais aussi pour jouir de ses métamorphoses, tenir registre de ses fluctuations, en tirer sens et beauté. À preuve dans nos Garde-mémoire certaines pratiques remarquables, comme celle de Roland Louvrier, un adolescent qui commence en 1939 à dessiner et peindre le ciel quatre fois par jour, pour le plaisir, il sera de son métier pépiniériste, et météorologue amateur… ou comme Jacqueline Chebrou, citoyenne du Havre, qui tient, semestre après semestre, un journal quotidien du temps qu’il fait : « elle a le regard émerveillé du narrateur de la Genèse, elle voit que tout est beau et bon. Elle se voudrait peintre pour saisir les nuances subtiles créées par le soleil ou l’ombre », nous dit Elisabeth Cépède dans son écho de lecture. « Mais c’est la nuit qu’elle préfère. La nuit enveloppante lui fait sentir qu’elle fait partie du grand Tout ».
Heureuse époque ! Aujourd’hui le temps qu’il fait est devenu un sujet tragique. Il ne fait plus rêver, mais trembler. Le réchauffement climatique, les gaz à effet de serre, le CO2, la fonte des glaciers, les canicules, les incendies, les inondations, l’élévation du niveau des mers, tous les indicateurs sont au rouge, et même au noir. L’APA, comme les autres lieux d’archivage, se donne pour mission de conserver pour les générations futures le témoignage de nos vies. Ces générations seront sans doute curieuses de nous, si elles arrivent à survivre. Soyons d’abord inquiets pour elles. À nous de leur transmettre le souvenir des temps heureux où l’on voyait sans crainte le soleil se lever. « L’aurore un matin me parut si belle… », écrivait Rousseau. À nous d’essayer de construire, à cet effet, une Maison de l’autobiographie qui préserve la mémoire de nos vies ordinaires, de leurs tourments et de leurs charmes. À nous, face à une humanité aveugle, absorbée par ses violences au milieu du désastre écologique, à nous de dessiner les plans et de peupler, dans l’espoir de temps meilleurs, ce qui pourrait être une nouvelle arche de Noé…
Philippe Lejeune
Éditorial
- Le temps qu’il fait 3
Ouverture
Page blanche
- Catherine Merlin : Lieux de Perec, une expérience d’écriture sans précédent 4
L’évènement
- Sylvie Jouanny : Parution du Cahier de l’Herne Annie Ernaux 7
- Hélène Gestern : Annie Ernaux, Le Jeune Homme 9
Nos écoles
- Chantal de Schoulepnikoff : Nos Journées 2022 11
Jadis
- Pierre Caspard : L’école à la maison ? 12
- Philippe Lejeune : Journal de l’échec d’une éducation par le journal 14
- Elizabeth Legros Chapuis : Le monde cruel de l’école d’antan 15
Naguère
- Sylvie Jouanny : Une école rurale dans les années 60 17
- Anna Rozen : Souvenirs parcellaires 19
- Agnès Chemama : La cloche et le drapeau 21
- Marie-Dominique Pot : Mes institutrices 22
- Malcolm Saunders : Enquête sur ma scolarité primaire 24
La collecte de « Grains de sel »
- Pierre Kobel : Souvenirs d’école, analyse et bilan 25
- Francine Lechevretel : La classe unique 27
- M.-Fr. Després-Lemarchand : À l’institut Notre-Dame d’Avranches 29
L’apprentissage du récit de soi
- Philippe Lejeune : Chauvelon 30
- Anne Poiré Guallino : Confinement et témoignages d’élèves 32
- Catherine Flot-Dommergues : Une singulière rencontre 34
- Patrick Goujon : Début(s) 36
- Anne Dizerbo : L’autobiographie projective 38
- Carine Dierkens : Récits de formation d’instituteurs 41
- Aventures engagées Éric Nedelec : En lutte contre l’illettrisme 43
- Michèle Cohen : Yérouba, Ramah, Amina et les autres 45
- Christine Eschenbrenner : Madame François et nous 47
- V. Leroux-Hugon : Leïla Sebbar et l’instituteur indigène 50
D’autres façons d’apprendre
Bernard Massip : La tradition compagnonnique 52
Isabelle Mercat-Maheu : Élève dans une école Freinet 55
Gabrielle De Conti : Nos écoles, la découverte 57
Ailleurs
- Marlene Kayen : Aspects de l’éducation dans les textes déposés au DTA 58
- Isabelle Valeyre : Enseigner en Algérie dans les années 70 60
- Vittoria Sofia : Les écritures autobiographiques et l’école : l’expérience italienne 62
Finale
- Chantal Cambronne : « J’ai longtemps détesté l’école » 65
Fonds APA
- Quelques traces de 1992 dans les journaux personnels, textes présentés par Claudine Krishnan 68
Chroniques
- Juliette Goursat : Alice Guy, La Fée-cinéma 79
- E. Legros Chapuis : Philippe Artières, Histoire de l’intime 81
- Bernard Massip : Constance Debré, Nom 82
- E. Legros Chapuis : Yves Charnet dans Les Moments littéraires 84
- Pierre Kobel : Sally Mann, Tiens-toi bien ! 85
- Gérald Cahen : Olivier Rolin, Vider les lieux 87
Vie de l’association
- Bernard Massip : Nos trente ans 89
- Fr. Bonnot-Jörgens : Avoir seize ans en 1959 90
- Quoi de neuf à l’APA ? 91
- Publications de l’APA 92