La Faute à Rousseau n°62 ( février 2013), L’animal et nous

Présentation du dossier

« J’habite chez mon chat ». Tel était le titre d’une émission de télévision diffusée il y a quelques années. Derrière la drôlerie de l’expression se cachait pourtant une réalité : celle de l’infinie ambiguïté des relations existant entre l’être humain et l’animal. Ou plus précisément, entre l’animal qu’est l’être humain et les autres espèces. De la prédation sauvage à l’amour fou, tous les degrés de la répulsion ou de l’attachement sont présents, et c’est de cette complexité que ce dossier tente de rendre compte. Comme le révèle Denis Dabbadie (p. 12) – levant un coin du voile épais qui entoure le mystère habituel de nos délibérations –, le comité de rédaction était divisé entre les « pros » et les « antis », les avocats des chats et les sectateurs des chiens : nos débats, pleins d’humour et de mauvaise foi assumés, ont tout de même laissé entrevoir à quel point la question animale, et notamment celle du compagnonnage entre les humains et les espèces dites domestiques, touche à un point sensible de la biographie.

Dès la prime enfance, l’animal peuple l’imaginaire, celui des contes et des textes sacrés : loups mangeurs d’enfants, serpents séducteurs, ours redoutables. Il peuple aussi… nos assiettes – les récits autobiographiques sont d’ailleurs emplis de chagrins enfantins, lorsque la poule ou le lapin ami sont sacrifiés à la cause nourricière. Mais l’animal est surtout un compagnon de vie, celui avec lequel on partage le temps, les caresses, parfois la table et, au grand désespoir de certains conjoints, la couverture ! On l’éduque, on l’entoure, on l’accompagne jusque dans la mort ; on l’aime, on le pleure, et parfois cette proximité fait vaciller la barrière des espèces, provoquant réactions scandalisées ou au contraires attendries, intraitables rejets et folles indulgences : Léautaud n’écrivait-il pas autour de son chat endormi sur la page pour éviter de le réveiller ? Au fond, l’animal est peut-être une espèce de double troublant, celui dans lequel on lit, débarrassé du surmoi, des convenances, de siècles de savoir et de civilisation, notre propre part instinctive, impulsive, qu’elle soit méchante (on dirait presque : bestiale) ou fondamentalement naïve (et même un petit peu bête). Il serait parfois bien difficile de déterminer, au fond, quelle espèce est esclave de l’autre.

C’est sans doute pourquoi nos amies (et nos ennemies) les bêtes ont depuis longtemps pris leur place dans la littérature, et dans la littérature autobiographique, où elles se taillent la part du lion. Un adage dit qu’il ne leur manque que la parole. Mais à les voir ainsi sujets, objets du récit, parfois même narrateurs, on se dit qu’ils l’ont prise depuis bien longtemps, à travers les voix de ceux qui s’imaginent les dominer.

Sommaire du numéro

ÉDITORIAL
« Humanités numériques » 3

OUVERTURE
Page blanche
M. Faure, B. Massip : Une initiative originale, la Revue des 100 voix 4
L’événement
H. Gestern : Sévigné chez les diplomates, le Journal d’Hélène Hoppenot 7

DOSSIER : L’ANIMAL ET NOUS
Présentation du dossier 11
Denis Dabbadie : À la Russie, aux ânes et aux autres 12
Frontières
Janine Menilsdrey : Frontières mouvantes 13
Sylvie Jouanny, Éric Baratay : Le point de vue animal 14
Hervé Guibert : Le gecko 17
Élisabeth de Fontenay : Les animaux oubliés 18
Eux et nous
Isabelle Valeyre : Regards sur l’animal 19
Michel Baur : Le serpent au paradis - saison 2 20
Jean-Baptiste Niel : « Une enfance peuplée d’animaux » 21
Julieta Solis : Les bêtes et la bête 23
Alice Bséréni : Jamais de chien chez moi ! 25
Félicie Dubois : The Yorkniche, premier du nom 27
Marie d’Agoult : Diane 28
Adeline Tillier : Bien à toi 29
Bernard Massip : Hélène Grimaud, la pianiste aux loups 30
Animaux légendaires
Véronique Leroux-Hugon : L’ours déchu 33
Élizabeth Legros Chapuis : Le joyeux bestiaire de Jacques Roubaud 35
Véronique Leroux-Hugon : Petit bestiaire du Marais 37
Véronique Montémont : Locutions animalières 39
Animalographies
Philippe Lejeune : « Du temps que les bêtes écrivaient » 40
Albert Tribaudet : Cadichon diariste 42
Élizabeth Legros Chapuis : Le chat philosophe de Taine 43
Véronique Montémont : Donner sa langue au chat (Y. Navarre) 44
Catherine Guillebaud : Quelle misère, l’amour unique ! 46
Écrivains
Antoinette Weil : Opal Whiteley, à l’école des animaux 47
Élizabeth Legros Chapuis : Colette, la sauvage mal apprivoisée 49
Françoise Simonet-Tenant : Jean Paulhan, histoires de bêtes 51
Isabelle Valeyre : Jules Renard, le chasseur 52
Jean Allemand : Le loriot de Claude Mauriac 54
Nicolas Denavarre : La biographie animalière de Paul Léautaud 55
Finale
Élisabeth Cépède : « De doux dingues » 57
Gilles Alvarez : Le sourire du chat 59

CHRONIQUES
Denis Dabbadie : Ainsi s’achève l’année Rousseau ! 61
Véronique Leroux-Hugon : Mémoires en crise 62
É. Legros Chapuis : Mouloud Feraoun, à la limite entre deux mondes 64
Isabelle Valeyre : Reconstruction de soi (Pauline Picquet) 66
Sylvie Jouanny : Misères psychiatriques (Marion Dessaules) 68
Sylvie Jouanny : Une résilience mise en oeuvre (Boris Cyrulnik) 70
É. Legros Chapuis : Le récit d’un homme singulier (Tobie Nathan) 72
Véronique Leroux-Hugon : Aventures de douaniers 74
Isabelle Valeyre : Jeunes diaristes de jadis 75
Jeremy D. Popkin : Autobiographie/Australie 75
Romain Estorc : Le prix Jean-Jacques Rousseau 77

NOUS AVONS LU, NOUS AVONS VU
Geneviève Mazeau : Akira Mizuyabashi, Une langue venue d’ailleurs 78
Catherine Vautier : Jeanette Winterson, Par-delà le mal de mère 79
Bernard Massip : François Bon, Autobiographies d’objets 80
Françoise Lott : Leila Sebbar, Une enfance juive en Méditerranée musulmane 81
Véronique Leroux-Hugon : L’exposition Vies d’exil 82

VIE DE L’ASSOCIATION
Table ronde : Retour au Maghreb 83
Ambérieu : Écrire sa vie, 4e édition 84
Le bloc-notes de Christine, septembre-décembre 2012 85
Quoi de neuf sur le site APA ? 87
Journées de l’Autobiographie, Aix-en-Provence, 24-26 mai 2013 89
Nouveaux dépôts reçus, septembre-décembre 2012 90
Le Je au travail/Les Apaïstes publient 91
Publications de l’APA 92