Henri-Jacques Dupuy

dimanche 15 décembre 2013, par Chantal de Schoulepnikoff

Matinée du Journal du 30 novembre 2013

La charmante salle de l’Atelier du Verbe était trop petite pour contenir le public intéressé aux Journaux de Henri-Jacques Dupuy, le 30 novembre dernier. Cette présentation à deux voix, assurée par Véronique Leroux-Hugon et Bernard Massip, a donné un avant-goût de ce journal « monstre » ou « fleuve », tenu quotidiennement pendant une quarantaine d’années (octobre 1938 à février 1977) par Henri-Jacques Dupuy pour « dire un grand rien qui m’est tout », pour « débagouler » sa vie, comme une « hygiène nécessaire » ou une manière de figer le temps qui passe. Sylvette Dupuy, fille de l’auteur, a retrouvé 34 cahiers sur les 120 d’origine (il manque 10 cahiers entre 1944 et 1946, ainsi que tous ceux rédigés entre 1967 et 1976). Elle les a retranscrits fidèlement (près de 4000 pages !) avec un sentiment d’urgence, voulant ainsi rendre justice à son père et laisser une trace pour sa descendance. Elle a déposé les originaux et la transcription du Journal à l’APA en 2001 (APA 1206).

Henri-Jacques Dupuy, enfant unique né en 1915, suit dans ses différentes affectations son père instituteur, puis inspecteur et enfin directeur d’Ecole normale, du Maghreb à la France ; après des études de lettres à Alger, il devient journaliste, poète, auteur-compositeur-interprète, animateur de radio, producteur à la Télévision de l’émission « Accords d’accordéon » … Inscrit au Parti communiste, il y fait de nombreuses rencontres (Aragon, et surtout Philippe Soupault qui restera un ami et sur lequel il écrira un ouvrage paru chez Seghers dans la collection « Poètes d’aujourd’hui »).

En 1945, Henri-Jacques épouse Simone, déjà mère de deux enfants. Ils ont deux filles, Sylvette (1946) et Martine (1948). Mais la famille traverse de nombreux orages, dus principalement à la maladie psychique de Simone et à ses nombreuses hospitalisations, ainsi qu’aux multiples infidélités de Henri-Jacques qui est particulièrement sensible au charme féminin.

Bourré de multiples talents, touche-à-tout de génie, Henri-Jacques ne parvient pourtant pas à écrire comme il le souhaiterait et à devenir un poète édité et reconnu. Son Journal porte la trace de cette déception, mais aussi celle de son extraordinaire appétit de vivre, de son énergie et de son enthousiasme toujours renouvelés.

Entrelaçant les pertinents commentaires de Véronique Leroux-Hugon, les extraits du Journal judicieusement choisis et lus par Bernard Massip éclairent les différentes facettes de la vie d’Henri-Jacques : ils donnent à entendre ses réflexions, montrent combien il est tiraillé entre ses aspirations littéraires et l’intendance de la maisonnée, écartelé entre son foyer et ses nombreuses aventures ; ils sont révélateurs de sa souffrance mais aussi de son humour et de son autodérision et, bien sûr, ils illustrent son don d’écriture.

En plus de son Journal, Henri-Jacques a laissé de nombreux cahiers annexes très volumineux, dont certains circulent dans la salle : dessins, collages, coupures de presse, photos, listes, comptes-rendus de livres, cahiers thématiques …

Lors de la discussion, deux voix s’ajoutent à celles des conférenciers, celle de Sylvette Dupuy tout d’abord, qui parle avec émotion de son père et de l’aventure archéologique qu’a été son travail de transcription, qui fredonne aussi quelques refrains de son père ; puis celle de son fils Ivan, qui avoue n’avoir jamais lu le Journal de son grand-père, mais avoir envie de le faire après avoir assisté à cette rencontre. Un bel hommage rendu aux intervenants de cette Matinée !