Pour une Maison de l’autobiographie

dimanche 26 novembre 2017, par Philippe Lejeune

C’est à une rêverie sur une possible Maison de l’autobiographie que Philippe Lejeune a consacré l’éditorial du numéro 76 de La Faute à Rousseau.
Nous avons souhaité reprendre ici ce texte car il montre tout ce qu’une telle structure pourrait apporter dans l’avenir pour permettre l’accomplissement des missions de préservation, de soutien et de valorisation des écritures autobiographiques.

Rêverie d’aujourd’hui... Mais, à nous tous, à tous les amis et partenaires de l’APA, de faire en sorte que le rêve, un jour, devienne réalité...

Home, sweet home

Relisant mes précédents éditoriaux, je m’aperçois que je suis revenu plusieurs fois sur un vœu pieu, une chimère, une lubie : mon rêve d’une « Maison de l’autobiographie ». Est-ce absurde ? Nombreuses sont les villes qui ont une « Maison de la Poésie ». Et il existe bien à Paris, sur le plan national, une « Maison des écrivains et de la littérature ». Pourquoi pas une maison des écrivants et de l’autobiographie ?

Mais cette maison, je ne l’ai jamais décrite. Rêvons. Elle est dans une petite ville de province, près du centre-ville et de la gare, dans un quartier calme, avec un jardin et une tonnelle. Elle a été construite sur mesure. Au centre, tout ce qui correspond aux fonctions actuelles de l’APA : un magasin d’archives climatisé à travées roulantes (prévu grand !), deux pièces de secrétariat, avec un atelier de numérisation, une salle de lecture équipée pour la consultation des archives et une petite salle de réunion.

J’ajoute une bibliothèque, double : littérature critique (tout ce qui s’écrit, livres, colloques, revues, sur les écritures de soi), et textes autobiographiques publiés (là, j’hésite, car cela peut devenir énorme, et c’est moins utile, pas la peine de doubler la Bibliothèque nationale). Et puis deux salles d’exposition : l’une, pour présenter nos manuscrits les plus représentatifs, l’autre pour des expositions temporaires (manuscrits, dessins, photographies, autoportraits, etc.). Je prévois enfin un petit auditorium (une soixantaine de places, deux classes de lycée) pour des séances de lecture, des débats ou des projections (films autobiographiques). L‘idée générale est de remplir les deux fonctions de l’APA : conservation et mise à disposition des écrits inédits à elle confiés, et animation culturelle ouverte à tous.

Mais c’est triste, une maison sans personne : je veux qu’elle soit habitée. Je prévois donc un logement de fonction et deux studios pour des « résidences  » : une résidence d’écrivain (projet d’écriture autobiographique), une résidence de chercheur (travail sur les textes du fonds). Je les imagine tous deux le soir, partageant leur dîner et leurs vues sur la vie.

Voilà, je suis au complet.

« Perrette là-dessus saute aussi, transportée :
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ».

Mais nous, nous ne sautons pas. Nous allons à pas lents, sans nous faire illusion. Les temps sont rudes. Mais il est bon d’imaginer, pour savoir dans quelle direction avancer. Depuis peu, les écritures de soi ont un Dictionnaire, depuis peu, le journal intime a un Festival : pourquoi un jour, sans doute encore lointain, l’autobiographie n’aurait-elle pas une Maison ?