Exposition du 20 juin au 27 juillet 2024
La pratique du journal personnel remonte aux origines mêmes de l’écriture et du calendrier : on peut le définir, au minimum, comme « une série de traces datées ». […] C’est vers le milieu du XVIIIe siècle, à partir des années 1760, que se dessine la personnalisation de la pratique du journal. L’individu n’en est plus seulement le rédacteur, il en devient à la fois le sujet et le destinataire. Le journal accueille alors soucis de santé, emploi du temps, expression d’affects (amitiés, amours, conflits), réflexions personnelles, guidage de projets ; il devient « journal de bord » de l’individu. […]
Pratique universelle, modeste œuvre d’art
Devenu genre littéraire, même s’il est toujours considéré comme mineur, le journal est en même temps une pratique qui s’est démocratiquement répandue, avec les progrès de l’instruction, dans toute la population française depuis le XIXe siècle. À l’adolescence, il est surtout le fait des filles, mais il concerne à égalité les deux sexes à l’âge adulte. Parfois, mais c’est plutôt rare, il est tenu tout au long d’une vie. Plus souvent, on y a recours à l’occasion d’une crise, d’une épreuve, d’une maladie, d’un engagement politique, d’une guerre (des milliers de journaux ont été tenus dans les tranchées en 1914-1918). Il peut aussi accompagner une activité favorite (journaux d’éducation, de voyage, de lectures, de jardinage…) ou un travail de création (journaux de genèse d’écrivains, cahiers d’esquisses de plasticiens). Dans tous les cas, le journal n’est pas seulement un texte : le choix du support, cahiers ou feuilles volantes, les dispositifs et variations de l’écriture au fil du temps ou des humeurs, les dessins ou croquis, les ornements et photos, les documents joints, lettres ou objets les plus divers, tout cela signe l’unicité du moment et de la personne et fait du journal, à sa manière, une œuvre d’art unique, modeste sans doute, mais vraiment « personnelle ».
Philippe Lejeune, Dictionnaire de l’autobiographie, Honoré Champion, 2017
Les journaux personnels déposés à l’APA, plus de 1000 à ce jour, offrent aux lecteurs et aux chercheurs une mémoire vivante d’une singulière richesse. Ils datent du XIXe siècle, du XXe siècle ou sont écrits de nos jours, ils comptent quelques pages ou plusieurs milliers, ils sont d’une grande variété de formats, de supports, de contenus et de styles. Ils nous révèlent la vie de femmes et d’hommes de tous les âges et de tous les milieux. La lecture d’un journal est une expérience unique.