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Couvrture Opal Whiteley

La rivière au bord de l'eau : Journal d'une enfant d'ailleurs

Opal Whiteley
Editions La Cause des Livres
- 316 pages
Année de publication : 2006

Flanquée de Vaillant Horatius le chien, de William Shakespeare le cheval et de bien d’autres animaux, la jeune Opal Whiteley trouve le bonheur dans un dialogue intime avec les fleurs, les arbres, le vent, les oiseaux et quelques adultes qui la comprennent.

Entre écologie et New Age, le Journal d’Opal Whiteley est une oeuvre tout à fait originale, pour petits et grands. Ce journal d’une année (1904-1905) nous révèle le monde intérieur et secret de l’enfance dont les portes nous sont rarement ouvertes avec tant de liberté. Et dans le rituel des jours qui passent, Opal l’incomprise nous parle, dans un style très personnel et souvent drôle, de l’absolue nécessité d’écrire.

Best-seller lors de sa parution en 1920 aux États-Unis, le journal d’enfance d’Opal Whiteley reste entouré de mystère : ce texte truffé de références littéraires et historiques en français a t-il été entièrement écrit par la fillette lorsqu’elle avait six ans ? A t-il été enrichi par Opal lors de sa reconstitution ? Qui était cette enfant née en 1897 : la fille d’un bûcheron de l’Oregon ou bien celle du prince Henri d'Orléans comme elle l’affirmait ? Victime d’une violente campagne de diffamation, ce journal tomba dans l’oubli. Il est aujourd’hui étudié par des chercheurs et lu dans les universités, les collèges et les écoles primaires aux États-Unis. Le voici pour la première fois publié en en français.

La préface de Philippe Lejeune, spécialiste de l’écriture autobiographique, la notice sur l’écriture d’Opal et la postface font le point sur les aventures littéraires du fabuleux Journal d’Opal Whiteley.

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Antoinette Weil

« Un texte de création pure, une ode à la nature, pétrie d’amour, de candeur, de magie et de souffrance. » Le Monde des Livres

Référence : Opal Whiteley ISBN 9782951936362
Prix : 18,00 €
Disponible : Oui
Préface de Philippe Lejeune

Un mystérieux récit d’enfant par Philippe Lejeune

En 1999, les Archives nationales ont transmis à l’Association pour l’Autobiographie un texte qui ne semblait pas de leur ressort. Il s’agissait de la copie manuscrite, sur un grand registre, d’une traduction en français du journal d’une certaine Opal Whiteley, jeune Américaine de six à sept ans, écrivant au tout début du xxe siècle quelque part dans l’Oregon.

Le texte m’a sidéré par sa beauté et son étrangeté. Il était précédé d’une préface datée de 1946 où madame Gloriod, auteur de la copie, racontait comment elle avait connu Opal Whiteley lors de deux rencontres, l’une à Chartres en 1930, l’autre à Londres en 1935, puis avait perdu sa trace.

Dans sa préface, Mme Gloriod reprenait à son compte la thèse de la jeune Opal sur ses origines : elle ne serait pas la fille de ses parents, bûcherons dans l’Oregon, mais une enfant adoptée, « fille naturelle du prince Henri d’Orléans (1867-1901) et de Florence, duchesse de Bourbon-Parme, sa cousine ». Cette ascendance expliquerait que l’enfant ait eu l’incroyable connaissance de l’histoire et de la géographie de la France qu’elle manifeste dans son journal. Nous nous trouvions dans le plus total étonnement : une petite fille de sept ans peut-elle écrire des choses si belles, si savantes et candides à la fois ? Pourquoi une enfant naturelle d’Henri d’Orléans se serait-elle égarée dans l’Oregon ? Et puis, Opal Whiteley existait-elle vraiment ? Tout cela n’était-il pas une fiction ?

J’ai consulté le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France (dont le nom de code est d’ailleurs « Opale » !) : aucun livre à ce nom. Mais celui de la Bibliothèque du Congrès, à Washington, m’a appris qu’Opal Whiteley était née en 1897 et que son journal, publié en 1920 à Boston, avait été plusieurs fois réédité. Il existe sur elle un certain nombre d’études et de biographies. Elle est une sorte de gloire nationale, du moins dans l’Oregon, à mi-chemin entre saint François d’Assise (pour son amour de la nature) et Anne Frank (pour sa précocité). J’ai commandé l’édition la plus récente du Journal, accompagnée d’une étude qui semble très complète, The Singing Creek Where the Willows Grow : The Mystical Nature Diary of Opal Whiteley, par Benjamin Hoff (1986, Penguin Books en 1994). Ce livre, qui donne le texte du Journal, raconte aussi l’enquête menée par Benjamin Hoff sur cette jeune fille extraordinaire, ainsi que ses efforts pour retrouver l’auteur qui, après une gloire éphémère en 1920, et les polémiques qu’elle avait occasionnées, était partie pour l’Europe : Londres d’abord, puis la France, pour y retrouver sa « famille », puis l’Inde sur les traces de son « père » mort accidentellement en 1901, puis de nouveau Londres…

Et c’est à Londres que Benjamin Hoff découvrit, dans les années 1980, qu’elle vivait toujours, internée là depuis quarante ans dans un asile psychiatrique, coupée du monde, ignorant sa propre gloire. Elle mourra dans cet asile en 1992, âgée de 94 ans.

Je suis sorti bouleversé de la lecture du livre de Hoff, persuadé qu’elle était la fille de ses parents de l’Oregon et qu’elle avait fantasmé un « roman familial », mais persuadé aussi de l’authenticité de son journal. Opal est une petite fille de sept ans, très douée intellectuellement (elle a appris à lire à trois ans, elle lit et écrit beaucoup), qui vit en dialogue intime avec tous les aspects de la nature vivante : arbres, plantes, oiseaux, animaux, insectes… Elle a donné des noms à tous les animaux et aux arbres. La souris s’appelle Félix Mendelssohn, la truie Aphrodite, le chien Horatius, etc. Elle prend au pied de la lettre les propos des grandes personnes, et en tire souvent des conséquences qui les… étonnent.

Plein de poésie et de candeur, ce journal qu’elle tient à l’âge de sept ans n’est pas daté, mais les allusions et anniversaires inscrits dans le texte permettent de le situer précisément : il a été tenu entre septembre 1904 et août 1905, et il est lié à un lieu, cette ferme de l’Oregon où ses parents se sont établis, et qu’ils quittent à l’automne 1905. Opal, petite fille déroutante pour son entourage, est ensuite une adolescente surdouée, elle entre sans examen à l’Université d’Oregon, finance ses études de sciences naturelles en faisant des conférences devant de vastes publics, et très vite elle cherche à faire passer son message, qu’on dirait aujourd’hui écologique autant que mystique, en rédigeant un livre et en tentant sa chance au cinéma (elle va à cet effet à Los Angeles en 1918). N’arrivant pas à placer son livre à l’Ouest, elle décide d’essayer en Nouvelle-Angleterre : en 1919, elle part pour Boston, où le directeur de l’Atlantic Monthly refuse lui aussi de la publier. Néanmoins, fasciné par le personnage, il la fait parler, veut savoir si elle a écrit autre chose, et apprend qu’elle a tenu un journal quand elle avait sept ans ! Ce journal, dit-elle, aurait été déchiré quelques années plus tard par une de ses sœurs, jalouse, en mille morceaux ! Morceaux qu’elle aurait récupérés et conservés dans des boîtes… Le Directeur ayant demandé à le voir, Opal fait venir de l’Oregon les débris et pendant huit mois, logée par lui, reconstitue son journal d’enfance : des photos impressionnantes la montrent entourée d’une multitude de boîtes pleines de bouts de papier, en train d’assembler le puzzle. N’aurait-elle pas amélioré son texte en le transcrivant ? Ce n’en serait pas moins extraordinaire. Il est publié d’abord en feuilleton dans l’Atlantic Monthly, puis en volume en 1920. Et il vous est, aujourd’hui pour la première fois, proposé en traduction dans la langue de sa « famille ».

Vous voici donc, lecteurs français, au seuil d’un double mystère. Le grand mystère de la nature, d’abord : une petite fille va vous prendre par la main pour vous y initier. Et puis le mystère d’une écriture envoûtante, et d’une destinée tragique.

Ce mystère-là, la postface de Martine Lévy en explorera les pistes, mais elle vous laissera le soin de conclure ou… le plaisir de rêver.

Disponible
Oui