Pause café devant le château de Cerisy

L’autobiographie au Bois dormant

Histoire de vie, récits et savoirs expérientiels en formation et santé  était le thème du colloque dirigé par Hervé Breton qui a eu lieu du 2 au 8 août 2024 à Cerisy. Une soixantaine de participants venus de France mais aussi de Belgique, du Brésil, du Canada, d’Italie, du Japon, du Portugal et de Suisse, se sont retrouvés au château de Cerisy.

La rencontre internationale n’est pas la seule caractéristique des colloques de Cerisy, ils sont historiques, ils sont conviviaux, réunissant des auditeurs, des intervenants et plus récemment des participants (artistes, écrivains, doctorants) des ateliers parallèles du Foyer de recherche-création consacré pour cette quinzaine à « Lire avec les vivants ». Les colloques sont résidentiels au château, dont les murs sont couverts d’étagères de livres, ouvrant ses espaces, son parc, sa cuisine à l’hospitalité. Toute une alchimie, savamment agencée et ritualisée par la directrice et propriétaire Édith Heurgon qui mène les colloques de leurs projets initiaux, à leur programmation jusqu’à la publication des actes.

 

Il était donc une fois, lors d’une semaine hors du temps de l’été, une assemblée de penseurs hors du monde qui ont réfléchi à une autobiographie endormie dans un des salons du château et à la manière très réelle au contraire d’ancrer le récit de vie dans le politique. Parce que finalement, c’est bien de démocratie dont il s’est agi.

Comment faire reconnaître par les institutions le récit de l’expérience professionnelle comme autoformation qualifiante en y décryptant les savoirs du vécu ? Comment amener des adultes en formation à s’autoformer par l’histoire de leur parcours de vie ? Comment traduire les savoirs experts des narrations des soignants qui les autoriseraient à remettre en question l’institution qui ne les respecte pas ?

Comment, dans un programme d’accompagnement en formation, formaliser ce qui émerge de ces récits d’expérience à l’insu des narrateurs ? Comment accéder à l’émergence d’un discours sur un savoir issu d’un récit sans le concevoir a priori et donc le détruire ? Comment croiser les disciplines, les typologies textuelles, les grilles de la psychologie de l’éducation et celles de la sociologie de la formation pour nouer l’intersubjectivité ?

Si toutes les interventions qui se sont confrontées n’aboutiront sans doute à une synthèse ou à des pistes de recherche possibles que lors de la parution des actes du colloque, il y a déjà eu au cours des échanges des savoirs nouveaux identifiés et notamment grâce aux ateliers expérientiels qui ont été mis en place. Huit groupes de huit personnes ont réuni tous les participants en les faisant travailler au même niveau sous la guidance d’un animateur qui lui-même participait aussi. Il a fallu raconter un moment de perte d’agentivité vécu en rapport avec la santé ou une expérience de vulnérabilité, au groupe qui pouvait réagir pour demander des précisions. Dans un second temps, le narrateur et le groupe ont essayé d’isoler les savoirs expérientiels repérables dans les récits et de décrire la manière dont leur formulation avait pu être acquise. À titre d’exemples l’identification d’alliés, la compétence à calibrer sa communication en fonction des situations ont pu être mises en discours grâce aux interactions avec le groupe. Pour conclure l’atelier expérientiel, chaque groupe a désigné un rapporteur pour la séance plénière.

Le colloque a donc mis en pratique le contenu des communications scientifiques en faisant vivre ce comment émerge le savoir expérientiel du non-dit et du non-su, dans l’intersubjectivité et grâce à certaines formulations de métadiscours appelées à la rescousse au moment propice.

Au colloque de Cerisy, il y a deux rites qu’Édith Heurgon se charge de garder. La cloche qui appelle aux trois repas et à la reprise des travaux. La séance plénière qui termine les journées avant le dernier repas commun et le départ et durant laquelle les meubles de la bibliothèque où avait lieu la plupart des séances sont déplacés pour former un cercle où la parole circule. Chacun conclut à sa manière et c’est à cet instant que des communautés discursives forgées lors du colloque sont identifiables. Elles ont fait naître le soucis et l’espoir que les recherches scientifiques en cours concourront à faire reconnaître les savoirs expérientiels en formation et en santé en faisant remonter les formulations qu’elles imaginent pour les identifier jusqu’aux instances institutionnelles. Espoir de démocratie et de société meilleure.

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