Calmann-Lévy, 2024
Intitulé « Roman », ce récit dans lequel Emmanuelle de Boysson « s’est interdite d’inventer ou de tricher », est bien à ranger dans le domaine de l’autobiographie.
C’est l’expérience d’une mort imminente, intermédiaire ou provisoire, vécue par elle-même l’année dernière, dans sa soixante-huitième année, après un arrêt de son cœur durant une trentaine de minutes. Les chapitres 2 à 9 évoquent avec beaucoup de détails et de précisions médicales les étapes de son hospitalisation, puis sa lente réadaptation dans le monde des vivants, cela à partir du chapitre dixième. Cette expérience si forte, si profondément intime, est toutefois difficile à transmettre. Les témoignages concernant les EMI (ou NDE : Near-Death Expérience) sont certes assez nombreux. Quatre pour cent de la population mondiale en auraient vécu. Toutefois, cette excursion dans un pays de lumière et de plénitude a encore de la peine actuellement à se faire entendre, particulièrement par les prêtres de l’Église catholique, cette dernière étant toujours prudente face à toute forme de dérive spirituelle.
Ainsi ces lignes de la p. 91, si savoureuses et révélatrices d’un « Enfer » duquel l’on ne peut ressortir... Reprendre pied dans la réalité, tout en étant encore en milieu hospitalier, n’est jamais facile. Elle écrit : « Il y a du monde autour de moi, l’on se croirait au lever de la reine. Parmi les blouses vertes, une jeune fille au teint pâle, les yeux de biche ourlés de longs cils. – Bonjour, je suis la psychologue du service, dit-elle en rougissant. Comment vous sentez-vous ? Je lui avoue mon appréhension à reprendre pied. Elle comprend, elle a l’habitude de soutenir les mourants et leurs familles. Sa voix caressante adoucit la peine, allège les chagrins, son regard bleuté soigne. Elle s’efface pour laisser place à l’interne de garde. Une nouvelle échographie a montré que mon cœur se contractait mieux. D’après lui, je vais pouvoir être transférée en cardiologie. »
Cette plongée dans l’au-delà qu’Emmanuelle de Boysson partage avec allégresse est à la fois bouleversante et rassurante.
par André Durussel