Une bonne centaine de participant(e)s se pressaient dans la salle Dussane à l’École Normale Supérieure samedi 19 mars 2016 dans l’après-midi pour la table ronde de l’APA ateliers d’écriture/ateliers d’édition. Signe que les sujets abordés suscitaient l’intérêt. Il s’agissait pour nous d’observer ce qui se jouait de neuf dans l’écriture et l’expression autobiographique comme dans sa publication et sa diffusion, sous l’impact des évolutions en cours, sociétales, culturelles, technologiques.
Hors de question bien sûr de faire un bilan ou de tirer des conclusions. Rien de figé dans ce paysage en mutation accélérée, nous avions juste besoin, avec nos invités, de mettre à jour des questions, d’amorcer une réflexion.
Isabelle Rossignol, écrivaine et animatrice d’atelier d’écriture dans le cadre de l’ALEPH, a montré l’attirance croissante du public pour les ateliers d’écriture centrés sur l’autobiographie. Signe, à son avis, d’une reconnaissance et valorisation plus grande de l’écriture autobiographique aux yeux même de ceux qui la pratiquent puisqu’il convient, comme pour n’importe quel autre genre littéraire, de trouver des appuis techniques pour améliorer et varier la forme, pour la rendre attrayante et susceptible de partage dans le cercle familial voire au-delà.
Philippe Aigrain, informaticien, essayiste, écrivain, éditeur chez Publie.net, cherche quant à lui à s’emparer de toutes les ressources de « l’écosystème de la publication numérique » pour en enrichir sa création. Il expérimente des formes nouvelles, seul ou en association avec d’autres artistes. Il ne s’agit pas de se cantonner à une simple présence virtuelle sur la toile, mais au contraire d’aller jusqu’à produire des « objets textuels matériels » : cette dimension « du faire » est essentielle comme l’exprime bien le titre qu’il a choisi pour son site : "L’atelier de bricolage littéraire".
Pauline Peretz, historienne et directrice éditoriale de Raconter la vie nous a présenté cette initiative de recueil et d’édition de textes issus de tous les secteurs de la société, au travers d’un site collaboratif. Il s’agit à la fois de produire de la connaissance sur la société française par les acteurs eux-mêmes et d’un projet politique au sens fort : contribuer à réduire la fracture entre politiques/experts et personnes anonymes, constituer une sorte de « parlement des invisibles ».
Enfin Hélène Merrick, auteure et membre de l’association Ecrituriales, a présenté cette association « d’auteurs-éditeurs réunis » en donnant l’exemple du processus d’édition de son propre ouvrage au sein de cette structure. La discussion s’est révélée vive et a donné lieu à des positionnements contrastés. Ceux-ci, à mon sens, ne relevaient pas d’oppositions tranchées ou irréconciliables mais s’expliquaient parce qu’on parlait de choses différentes qui, chacune dans leur domaine, avaient leur légitimité : l’écriture originelle avec ses scories et ses imperfections, la valeur irremplaçable que celle-ci possède en tant que trace et que témoignage, à conserver telle quelle comme le fait l’APA ; le travail nécessaire de l’élaboration de la forme à laquelle peut contribuer la participation à des ateliers d’écriture ; l’éditorialisation, consistant en des retouches de présentation, de forme, voire de contenu, apporté par un tiers, pour rendre le texte plus susceptible de rencontrer un public, indispensable dès lors qu’il s’agit de publier…
Tout ceci constituait en tout cas des ouvertures sur des questions passionnantes et qui intéressent forcément l’APA en tant que telle au moment où celle-ci s’interroge sur les adaptations à apporter éventuellement à sa pratique dans le contexte culturel et technologique d’aujourd’hui, tout en restant fidèle à sa mission d’origine.
Compte rendu par Bernard Massip