En ce samedi 5 février 2022 c’est une bonne trentaine de personnes qui se sont retrouvées à l’espace Bonnefoy à Toulouse, à l’initiative du groupe local de l’APA, pour rencontrer deux autrices autour de leurs livres en lien avec les thématiques autobiographiques de notre association.
Dans un premier temps, Bernard Massip a interrogé Alexandra Borsari avant que Claudine Vassas, ethnologue, ne questionne Dominique Martre. Mais très vite les parallèles et comparaisons qu’appelaient les deux ouvrages ont conduit à une discussion générale.
Alexandra Borsari a décidé de devenir nomade en avril 2017, d’abord en caravane puis dans un simple van. Il s’agissait pour elle de s’affranchir de certaines des contraintes de la vie sédentaire, notamment financières, de se libérer du travail subi, mais aussi d’observer les effets qu’entraineraient sur sa vie et sur sa personne une telle démarche. Elle a donc décidé de tenir le journal de cette expérience, sous le titre à double détente La liberté ça s(e) (ap)prend , mêlant des pages qui en sont un suivi factuel précis à d’autres qui sont plus réflexives, où elle s’efforce de prendre de la distance pour faire le bilan des changements qui s’effectuent en elle. Elle considère sa démarche comme les jalons d’une auto-ethnographie. Il lui semble important de déposer ses journaux à l’APA en ce qu’ils documentent une expérience singulière mais aussi l’époque dans laquelle elle s’effectue. Les années 2017 à 2020 sont déjà disponibles et seront complétées rapidement par les volumes ultérieurs en cours de fabrication. Le téléchargement des textes est gratuit et le restera l’auteure tenant beaucoup à cette mise à disposition sans barrière financière. Une version papier payante est disponible qui lui apporte un petit revenu et contribue à financer son projet.
Dominique Martre a vécu en Algérie dans les années 1970 où elle était enseignante au titre de la coopération dans le village de M’Chedallah, anciennement Maillot, en Kabylie. A l’opposé de certains coopérants vivant repliés sur eux-mêmes et dont l’attitude pouvait être interprétée par la population comme quasi coloniale, elle et son mari (médecin coopérant) cherchent au maximum à se lier et à s’intégrer à la population locale. Elle tient un journal où elle note scrupuleusement ses observations sur la vie quotidienne, ses échanges, spécialement avec les femmes dans l’intimité desquelles elle est immédiatement chaleureusement accueillie. Elle retourne à plusieurs reprises en Algérie ensuite où elle à l’occasion de revoir nombre d’anciens élèves et de femmes et d’hommes connus à l’époque. Elle fréquente aussi à Paris dans les années 90 pendant lesquelles l’Algérie vit sa décennie noire sous la pression islamiste, puis dans les années 2000 les cafés « maillotins » où elle retrouve nombre de protagonistes de son précédent séjour et mène des entretiens avec eux. Elle envisage une thèse à partir de ce matériau, ainsi que de ses recherches dans les archives, sous la direction de Claudine Vassas mais s’oriente ensuite plutôt vers la rédaction de l’ouvrage qu’elle nous présente aujourd’hui, La Kabylie en partage, dans l’intimité des femmes. Celui-ci s’organise en deux parties : la première, la plus courte, présente le village dans son évolution depuis les années 1970, la seconde consiste en des récits autour de personnes et de situations vécues précisément décrites.
Similitudes et différences des deux démarches sont au cœur des échanges entre les deux autrices, stimulés par les questions et interventions de Claudine Vassas. Si le terrain kabyle parait une évidence dans le cas de Dominique Martre, est-il crédible d’être son propre terrain comme le revendique Alexandra Borsari ? Cela lui semble possible dès lors qu’elle est elle aussi sous le regard des autres et en échange avec eux. Pour l’une et l’autre la condition en est de porter un regard empathique et plein de respect sur les personnes évoquées, ce qui les conduit à s’assurer de leur accord sur ce qui est dit d’elles ou à anonymiser voire à transformer sans trahir. Alexandra souligne la part citoyenne, quasi militante, que comporte sa démarche : il s’agit pour elle de montrer que d’autres modes de vie sont possibles et de faire accepter la différence. Elle évoque son désir, lorsqu’elle ne sera plus accompagnée de ses vieux chiens, de s’alléger encore et de se déplacer avec un simple vélo cargo. Elle insiste sur la place croissante que l’écriture occupe dans sa vie, avec le désir d’écrire des fictions en complément de son journal de bord.
La discussion qui a suivi avec la salle s’est révélée très riche et parfois émouvante, plusieurs des personnes présentes ayant vécu en Algérie dans les années d’après l’indépendance et pouvant ainsi faire écho aux propos de Dominique Martre.
La réunion s’est conclue autour d’un verre et de pâtisseries home made. Les contraintes sanitaires interdisant toute consommation à l’intérieur des salles, c’est dans le jardin de l’Espace Bonnefoy, autour du van d’Alexandra et sous un timide soleil revenu, que nous avons partagé un pot chaleureux.

Pour voir des présentations des ouvrages et les commander :
Lien vers le site d’Alexandra
Lien vers la page de commande de La Kabylie en partage, aux éditions Sans nom
Ce livre sera également publié prochainement en Algérie aux éditions Koukou et présenté fin mars 2022 au salon international du livre d’Alger.


lundi 14 février 2022, par Bernard Massip